Voir aussi ici :
https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-societe/respublica-services-publics/refuser-
linstrumentalisation-de-la-medecine-du-travail-1-2/7435257
https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-societe/respublica-services-publics/refuser-
linstrumentalisation-de-la-medecine-du-travail-2-2/7435354
Refuser l’instrumentalisation de la médecine du travail 1/2
Le récit des travailleurs est de plus en plus invisibilisé par le récit « néomanagérial » hors-sol, volontairement abstrait et qui a abandonné tout sens commun. Retrouver un langage commun à tous les hommes, cher au psychologue du travail italien Ivar Oddone, digne héritier d’Antonio Gramsci, est à la base de toute science, c’est un défi indispensable afin de mieux comprendre le contenu du travail, son organisation, son sens, ses contraintes et ses dangers.
Le rôle des médecins du travail est de certifier et reconnaître les atteintes à la santé et la sécurité au travail (qui explosent depuis plusieurs décennies), les sortir de l’invisibilisation
dans laquelle les politiques les ont camouflées, ne serait-ce que par fidélité aux principes émancipateurs qui ont construit la médecine du travail à la Libération, au sein du programme des Jours heureux du Conseil national de la Résistance (ce programme des Jours heureux impose aux employeurs l’obligation d’organiser une surveillance médicale pour leurs salariés (loi du 11 octobre 1946)). Cet article en deux parties se propose à partir de la pratique médicale, de décrypter le langage politique officiel dans le champ de la médecine du travail, pour mieux définir ce qu’elle ne devrait pas être et ce qu’elle devrait être.
Premier avertissement ou défendre sans relâche son identité professionnelle
J’ai été vingt-deux ans médecin généraliste et gériatre, j’ai les diplômes et j’ai pratiqué en tant que tel. Je n’ai pas été spécialiste en médecine générale, je n’étais pas et ne suis toujours pas jaloux des autres spécialités médicales.
En pratique, je suis aujourd’hui médecin du travail, même si je n’ai pas encore le diplôme, mais je fais le même boulot qu’un médecin du travail. Je ne suis pas spécialiste en santé au
travail, même si certains veulent singer les autres spécialités médicales. Je ne suis pas non plus médecin de prévention, comme écrit avec mes nom et prénom sur le petit chevalet de
carton lors de la première réunion de formation spécialisée en matière de santé, sécurité et conditions de travail (F3SCT) à laquelle j’ai assistée : j’ai rayé médecin de prévention et j’ai
écrit sur le petit chevalet de carton médecin du travail.
En théorie, je suis collaborateur médecin selon le Code du travail, car en troisième année de formation du diplôme inter-universitaire de pratiques médicales en santé au travail, qui en
compte quatre, bref une formation de médecine du travail. Je n’aime pas le terme dépolitisant de collaborateur, un des mots préférés des directeurs et directrices des ressources humaines
(DRH) pour désigner les travailleurs de leurs entreprises. Le mot collaborateur efface deux réalités, celle de la vente de la force de travail du travailleur à son patron contre salaire et celle de la mémoire de la conflictualité pourtant indispensable à toute démocratie. À collaborateur qui est une sorte de mensonge langagier, je choisis le mot salarié plus proche du réel, car il désigne la subordination de celui-ci à son patron inscrite dans le contrat de travail. Mieux qu’agent (de la fonction publique, où les fonctionnaires n’ont pas de contrat de travail), je choisis le mot travailleur car il a trait au travail, marqueur profond de l’identité professionnelle et humaine1.
Je ne suis pas non plus médecin collaborateur. Beaucoup m’affublent de cette expression, ambiguë, sans avoir conscience qu’elle désigne historiquement les médecins qui ont collaboré
avec le régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. Celui-ci crée le 7 octobre 1940 un conseil supérieur de l’Ordre dont les membres sont, non pas élus, mais nommés par le
ministre. Beaucoup d’entre eux collaborent avec le régime nazi.
Sur le terrain de mon identité professionnelle et de mon identité tout court, je n’ai pas d’humour. On ne badine ni avec la mémoire, ni avec la dignité, ni avec la mémoire et la
dignité de n’importe quel travailleur.
Je ne serai jamais le médecin fantasmé par ceux qui veulent me modeler en niant la réalité humaine : ni médecin du capital dans l’intérêt de la santé économique des entreprises, ni
médecin de sélection de la main-d’œuvre dans l’intérêt supérieur de la « race », des humains « sains de corps et d’esprit » ou des « plus aptes » au travail (cf infra : encadré sur la notion d’aptitude au travail). Pour le dire autrement, mon moi ne cherchera jamais à échapper à l’emprise de la réalité, car comme l’écrivait Pier Paolo Pasolini : « il n’y a qu’une seule chose de sacrée, c’est la réalité ».
La loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail2, crée les Services de prévention et de santé au travail (SPST), des services inter-entreprises. Cette dénomination
exclut les mots médecine du travail, ce qui est significatif de notre époque amnésique qui badine, elle, avec la mémoire et la dignité humaines. De fait, ce coup de gomme parfaitement
orchestré participe de l’effacement de l’histoire, de l’apport des médecins du travail,théoriciens, praticiens, enseignants, chercheurs. Les mots médecine et médecins du travail
disparaissent ainsi progressivement de notre mémoire collective. « Déstockage » avant disparition définitive ? Scénario possible.
Médecine du travail et maladies professionnelles : bref rappel historique
Née véritablement dans les années 1920, au sortir du cataclysme de la Première Guerre mondiale, sous l’influence de l’hygiénisme industriel et en pleine période de taylorisme
(organisation scientifique du travail), mais aussi sous la pression des syndicats d’ouvriers, de quelques médecins, dont René Barthe (1893-1957), et de la montée en puissance des idées socialistes, la nouvelle médecine du travail s’impose largement partout dans le pays.
Elle s’était lentement construite au cours des siècles précédents sur les études médicales, les récits et les luttes des travailleurs alimentant un corpus scientifique basé sur une clinique médicale du travail faisant le lien, par un faisceau d’indices individuels et collectifs, entre le travail, ses contraintes, c’est-à-dire les obstacles à surmonter pour faire le travail, ses expositions, son environnement direct et la santé des travailleurs, plus précisément leur astreinte c’est-à-dire leur réponse physiologique aux contraintes du travail ; et quand ils n’y arrivaient pas ou plus, les décompensations pathologiques qui en résultaient, quand ce n’était
pas très souvent une mort prématurée par accident du travail ou maladie professionnelle.
Citons quelques exemples :
– Au XVIe siècle, Paracelse, médecin-chirurgien suisse écrit un traité fondateur : Le mal des montagnes et autres maladies des mineurs.
– En 1701, Bernardino Ramazzini, médecin de Padoue (Italie) publie son traité Des maladies des artisans ; celui qui est considéré comme l’un des premiers préventeurs, étudie plus de
cinquante-deux professions et met en évidence la relation entre le travail et l’homme : « les arts (métiers) sont une source de maux pour ceux qui les exercent et les malheureux artisans
trouvant les maladies les plus graves où ils espéraient puiser le soutien de leur vie et celle de leur famille, meurent en détestant leur ingrate profession… » Au précepte d’Hippocrate
« quand vous serez auprès d’un malade, il faut lui demander ce qu’il sent, quelle en est la cause, depuis combien de jours, s’il a le ventre relâché, quels sont les aliments dont il a fait usage », Ramazzini ajoute cette question « quel est le métier du malade ?3 »
– À la fin du XVIIIe siècle, Percival Pott, chirurgien britannique, identifie la suie comme étant la cause du cancer du scrotum des petits ramoneurs de Londres. C’est en 1810 que Napoléon Ier crée les premiers médecins du travail, mais uniquement pour les mineurs et ouvriers des carrières.
– En 1895, en France, une grève éclate dans les entreprises d’État de fabriques d’allumettes.
Pour cause, beaucoup d’ouvrières allumettières souffrent et meurent à cause du phosphore blanc utilisé dans cette production. Le phosphorisme chronique est une déminéralisation causée par cette exposition au travail, elle entraîne fractures, paralysies, anémies, avortements
et forte mortalité infantile. L’ostéonécrose de la mâchoire attaque les dents, les gencives et l’os maxillaire, les ouvrières sont obligées d’être opérées et se retrouvent défigurées, elles
meurent dans un état cachectique et dans d’atroces souffrances. Le phosphore blanc est interdit en 18984. D’autres luttes ouvrières seront moins victorieuses, comme celles contre l’utilisation du plomb dans l’industrie et les peintures5.
– En 1899, H. M. Murray, médecin anglais londonien, établit un lien entre les difficultés respiratoires qui entraînent la mort et l’amiante : il diagnostique une fibrose pulmonaire chez
un ouvrier ayant travaillé pendant quatorze ans dans l’atelier de cardage d’une filature d’amiante6.
– Il faudra attendre un siècle et la pression des travailleurs exposés à l’amiante, pour voir cette fibre minérale mortelle définitivement interdite en France : 1997. L’amiante continue
cependant d’être produit à travers le monde (Canada, Brésil, Chine) livrant ainsi des millions de travailleurs et riverains à une mort prématurée certaine par cancers.
Pour rendre visibles les maladies d’origine professionnelle et accidents du travail tombés trop souvent dans les oubliettes de l’histoire, bien faire son travail est indispensable, mais non
suffisant, les médecins ou inspecteurs du travail qui ne défendent que l’intérêt de la santé et de la sécurité des travailleurs, doivent lutter avec pugnacité, contre des vents contraires attisés par la mauvaise foi de nombres de patrons. Comme cet inspecteur du travail, Etienne Auribault qui écrit :
En 1890, une usine de filature et de tissage d’amiante s’établissait dans le voisinage de Condé-sur-Noireau (Calvados). Au cours des cinq premières années de marche, aucune ventilation artificielle n’assurait l’évacuation directe des poussières siliceuses produites par les divers métiers ; cette inobservation totale des règles de l’hygiène occasionna de nombreux décès dans le personnel : une cinquantaine d’ouvriers et d’ouvrières moururent dans l’intervalle précité ; le directeur, précédemment propriétaire d’une filature de coton à
Gonneville (Manche), avait recruté dix-sept ouvriers parmi son ancien personnel ; seize d’entre eux furent enlevés par la chalicose de 1890 à 1895. Les ouvriers, justement effrayés,
prétendirent que l’intoxication saturnine, déterminée par le plomb contenu dans l’amiante, occasionnait la disparition rapide de leurs camarades. Leur erreur sur ce point était
complète.
Je recommande aux lecteurs d’aller lire cette note complète sur Internet7, qui nous rappelle que quelques professionnels de cette époque étaient d’excellents observateurs.
Construction de l’ignorance, formatage de la pensée et mépris de classe
Ce petit détour historique s’arrête là, ce n’est pas l’unique objet de cet article, mais nous devons montrer que la construction de l’ignorance explique les errements dangereux de notre
époque. La disparition des mots a un sens, elle n’est pas neutre. Au gré des textes législatifs imposant des dénominations et des normes, formatant véritablement la pensée et construisant une sorte d’amnésie collective, la disparition des mots médecins du travail et médecine du
travail annonce à court terme leur instrumentalisation pratique à des fins de domination du monde social par le pouvoir patronal, à moyen et long terme leur disparition propre, les
chiffres de la baisse de la démographie des médecins du travail le prouvent : les facultés forment de moins en moins de médecins du travail et les médecins du travail qui partent
aujourd’hui à la retraite ne sont plus remplacés.
La disparition des mots médecins du travail et médecine du travail annonce à court terme leur instrumentalisation pratique à des fins de domination du monde social par le pouvoir patronal, à moyen et long terme leur disparition propre.
En France, à la faculté de médecine, nous n’apprenons pas aux étudiants l’histoire de leur art.
On y apprend tout juste un peu de médecine du travail : quelques heures de cours tout au plus sur une dizaine d’années d’études. On y enseigne encore moins l’histoire de la médecine du travail et l’histoire plus ancienne des maladies liées au travail (ou maladies professionnelles) et des accidents du travail. Et pour cause, cette histoire-là est ouvrière donc une histoire non officielle, qu’il faut aller chercher par soi-même grâce à quelques auteurs et institutions comme les Centres d’histoire du travail8.
C’est une histoire de rapports de force politiques et sociaux entre des forces antagonistes et aux intérêts divergents. Depuis deux siècles, c’est-à-dire depuis le début de la Révolution industrielle, c’est l’histoire de la classe ouvrière, invisibilisée et niée dans son existence sociale et son essence humaine9. C’est l’histoire d’ouvriers ignorés en dehors de leur temps de travail par les économistes politiques comme Adam Smith ou Ricardo, ouvriers, qui, quand ils revendiquent leurs droits de ne plus être maltraités comme des bêtes de somme par leurs patrons et ces mêmes économistes politiques, se retrouvent face aux fusils de la branche armée de l’État, lui-même aux mains de la classe bourgeoise. Cette classe est celle des puissances d’argent inféodées au système capitaliste et à ses capitaines d’industrie. Qu’on se souvienne des semaines sanglantes des Révolutions de 1830, 1848, 1871 (Commune de Paris), des grèves sanglantes du XXe siècle au cours d’une guerre sociale qui ne dit pas son nom, et plus près de nous, en 2018, des conséquences violentes de la révolte spontanée des
pauvres, des déclassés, des désaffiliés, des usés et des cassés du travail : les gilets jaunes, dont certains, pour simplement avoir demandé justice et manifesté pacifiquement, sont marqués à vie : éborgnés, défigurés, amputés.
L’histoire de la médecine française, en dehors de quelques exceptions, s’est plutôt déroulée du côté du bloc bourgeois. C’est l’histoire d’une élite hospitalo-universitaire qui s’est construite au-dessus de la mêlée populaire10. Pas étonnant donc qu’elle est atteinte d’amnésie. Pire, elle ignore qu’elle est ignorante ou feint de ne pas connaître la réalité, c’est pour cela qu’elle est arrogante et méprisante envers la classe ouvrière.
À suivre…
Refuser l’instrumentalisation de la médecine du travail 2/2
Le récit des travailleurs est de plus en plus invisibilisé par le récit « néomanagérial » hors-sol, volontairement abstrait et qui a abandonné tout sens commun. Retrouver un langage commun à tous les hommes, cher au psychologue du travail italien Ivar Oddone, digne héritier d’Antonio Gramsci, est à la base de toute science, c’est un défi indispensable afin de mieux
comprendre le contenu du travail, son organisation, son sens, ses contraintes et ses dangers.
Le rôle des médecins du travail est de certifier et reconnaître les atteintes à la santé et la sécurité au travail (qui explosent depuis plusieurs décennies), les sortir de l’invisibilisation
dans laquelle les politiques les ont camouflées, ne serait-ce que par fidélité aux principes émancipateurs qui ont construit la médecine du travail à la Libération, au sein du programme
des jours heureux du Conseil national de la Résistance (le programme des Jours heureux impose aux employeurs l’obligation d’organiser une surveillance médicale pour leurs salariés (loi du 11 octobre 1946)).
Aujourd’hui, dans la littérature scientifique, médicale ou non, dans le langage des directions d’entreprises, les mots ont changé. On ne dit plus directeur du personnel mais DRH, l’humain étant réduit dans son essence même à une ressource, une matière première, comme un minerai qu’il faudrait aller chercher profondément, extraire, piller et finalement épuiser… On ne discute plus guère du travail mais d’innovation, car selon les têtes pensantes hiérarchiques, les changements ne peuvent venir que d’en haut.
Cette évolution qui s’est faite depuis les années 1990 à aujourd’hui, en dit long sur cette capacité des capitalistes de tenter, quoi qu’il en coûte, de transformer anthropologiquement l’espèce humaine pour l’adapter au travail au sein de la société née de la Révolution industrielle du XIXe siècle. Changer l’homme voilà le but de l’État néolibéral11.
Faire le contraire, c’est-à-dire changer le travail pour l’adapter à l’humain, qui est un principe général de prévention en matière de santé au travail, n’est donc pas à l’agenda des néolibéraux
qui dominent le champ politique contemporain.
On ne dit plus patrons mais employeurs, c’est plus doux. Le mot même de travailleurs disparaît du langage commun : on dit plutôt salarié ou agent (de la fonction publique). Certes le mot salarié indique le salaire et donc la cotisation sociale nourrissant la caisse commune de solidarité qu’est la Sécurité sociale, notre bien commun, mais le mot travail et donc son contenu et les conditions de son exécution disparaissent facilement du langage, remplacés par activité, emploi ou mission.
Avec ce changement de vocabulaire, on aboutit ainsi à une dépolitisation des rapports sociaux dans les entreprises, comme si la réalité du monde du travail était naturelle et non pas décidée par la conflictualité sociale entre travailleurs, institutions publiques et patronat. Des mots de notre réalité sociale disparaissent ainsi de notre imaginaire collectif, d’autres sont imprimés dans nos cerveaux par les tenants du langage néolibéral, puissant anesthésiant du corps social.
Nombre de pathologies du travail pourraient être réduites ou disparaître si tous les travailleurs d’une entreprise s’asseyaient autour d’une table pour discuter dans un langage commun des contenus, organisations, contraintes, astreintes et dangers du travail. Selon Ivar Oddone, psychologue du travail italien qui fut formateur chez Fiat à Turin dans les années 1960, l’analyse du travail nécessite une approche globale de l’humain qui développe son expérience au fil du temps à partir de quatre références spécifiques : rapport à la tâche, aux camarades ou collègues, à la hiérarchie et aux organisations de classe. Quel est le meilleur expert du travail, sinon le travailleur lui-même, doté de cette formation robuste qui permet à son collectif de travail d’anticiper une organisation aliénée du travail12 ? C’est tout cela le travail et c’est tout cela aujourd’hui que les hiérarchies ignorent ou feignent d’ignorer.
Une pénurie organisée
Comme dit plus haut, les savants de la médecine catégorielle et corporatiste ne disent plus médecin du travail, mais médecin spécialiste en santé au travail, ils ne disent plus médecins généralistes, mais spécialistes en médecine générale, singeant ainsi leurs homologues spécialistes, le corps médical, pourtant hétérogène, se plaçant ainsi au-dessus de la mêlée populaire. Rappelions que ce sont les médecins libéraux et leurs syndicats comme la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) qui demandèrent en 1971, afin de préserver leur clientèle, la création du numérus clausus, mécanisme restreignant l’accès aux études médicales, aboutissant à la pénurie actuelle de médecins. Ces mêmes syndicats luttèrent contre la création des unités sanitaires de base proposées dans les années 1980 par le
syndicat de la médecine générale, ancêtres des actuelles maisons de santé de proximité, que plus personne ne remet en question aujourd’hui.
Cette pénurie de médecins dans nombre de territoires affecte bien évidemment d’autres pratiques médicales généralistes comme la psychiatrie ou la pédiatrie, pratiques dévalorisées, les moins choisies chaque année par les internes en médecine, au terme de l’examen classant national.
Une pratique qui s’éloigne du travail réel et qui s’appauvrit
En médecine du travail, selon le Code du travail, le temps de travail se décompose en deux temps. D’une part, les visites individuelles (2/3 temps) qui servent à évaluer l’état de santé des travailleurs, leur poste de travail, leurs expositions aux agents physiques, biologiques et chimiques. D’autre part les actions en milieu de travail ou AMT (1/3 temps) qui comportent visites en entreprise (de droit), visites des locaux, rencontres avec les délégués du personnel, études de poste, participation aux réunions de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSST) dans le privé, la F3SCT et les conseils médicaux (formations restreinte et plénière) dans la fonction publique, conseils où il est décidé collégialement de la reconnaissance des AT/MP et de la fixation des taux d’IPP (incapacité permanente partielle).
Ce temps de travail global a pour but de recueillir un faisceau d’indices individuels et collectifs pour étayer le diagnostic des problèmes de sécurité et de santé au travail dans les entreprises.
L’adhésion des entreprises privées à un SPST est obligatoire. La pénurie des médecins du travail a abouti à un espacement des visites chez le médecin du travail prévu par la loi El Khomri de 2016 : d’un an auparavant, les délais de visites sont passés à deux ans (suivi individuel dit « renforcé » pour des activités à risque ou SIR) ou cinq ans (suivi individuel simple ou SIS).
Le législateur, au lieu de planifier l’augmentation du nombre de médecins du travail, a donc décidé d’espacer encore plus les délais des visites individuelles. N’est-ce pas un mensonge que de qualifier de renforcé un suivi qui passe de 1 à 2 ans pour des travailleurs fortement exposés ? N’est-ce pas leur donner un sentiment de fausse sécurité face à des dangers au travail pourtant bien réels ?
Pour certaines sociétés savantes, il faudrait encore augmenter ces délais de certains SIR de 2 à 3 ans, c’est-à-dire les faire passer dans la case suivi individuel dit adapté (SIA) prévu pour les travailleurs handicapés, les travailleurs de nuit, les moins de 18 ans et les invalides, donc encore plus éloigner les travailleurs des médecins du travail. En quoi cela rend la « prévention plus efficace » ?13
Les travailleurs en SIR pointés par cette proposition sont ceux exposés aux « agents biologiques groupe 3-4 »14, les travailleurs effectuant les « montages et démontages d’échafaudages », ceux ayant des « habilitations électriques (a minima H0B0) », ceux ayant « recours à la manutention manuelle inévitable », et ceux exposés aux « vibrations » ou ceux ayant des « autorisations de conduite »…
Ces travailleurs SIR sont exposés aux maladies infectieuses graves (risque épidémique), aux chutes d’échafaudages (risque fracturaire et de décès), aux vibrations (risque de troubles musculo-squelettiques ou TMS), au risque d’électrocution, ils sont porteurs de charges (risque de TMS), conducteurs de véhicules (risque routier).
Les médecins du travail verraient moins ces travailleurs si on suit la proposition de la SFST.
Et c’est connu en France, il existe une sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le coût d’un grand nombre de pathologies du travail est donc reporté sur la Sécurité sociale, c’est-à-dire les cotisations sociales de tous, alimentant ainsi l’adage : « profit pour le privé, dépenses pour le public ».
La course aux échalotes, cause de souffrances
Malgré l’espacement des visites individuelles inscrit dans la loi, qui éloigne les médecins du travail de la réalité du travail réel, une course à la visite a lieu en raison d’une politique du chiffre des SPST pour rattraper le retard pris dans les visites individuelles (visites d’embauche, de pré-reprise, de reprise, d’information et de prévention initiale, périodiques, à la demande, etc.), mais aussi pour engranger de l’argent, car chaque visite est facturée aux entreprises.
À noter que les SPST facturent plus cher aux entreprises les visites des intérimaires (intérim, forme précarisée du travail, légalisé en France en 1972).
Les directions des SPST sont obligées de jongler avec les plannings et anticipent la pénurie organisée des médecins du travail, ce qui n’est pas pour leur déplaire, car elles sont de mèche avec les syndicats de patrons qui président les conseils d’administration et font face à peu de résistance : syndicats de salariés peu présents ou peu actifs dans ces SPST, médecins encore moins présents dans les réunions institutionnelles, car la tête dans le guidon du quotidien du travail.
Au final, les médecins du travail, aujourd’hui, sous l’influence de leur hiérarchie, ont tendance à privilégier les visites individuelles et sacrifier leurs actions en milieu de travail, ce qui aboutit à moins de conseils aux patrons et aux délégués du personnel, ce qui évite la conflictualité potentielle avec certains patrons, c’est plus confortable.
Tout est fait pour que les médecins du travail s’éloignent encore un peu plus de la réalité du travail. Ce qui en arrange certains qui ne travaillent que pour manger… mais d’autres, soucieux de bien faire leur travail, sont mis sous pression par leur hiérarchie ou « en quarantaine » par leurs collègues, et sont en grande souffrance. D’un côté, la qualité au travail est dézinguée par les DRH et les directions générales, ailleurs, la médiocrité au travail est tolérée, voire encouragée par les mêmes, du moment que toi, médecin ou infirmière en santé au travail, tu obéis aux injonctions de ta direction.
Les DRH misent sur la psychologie des individus et leur infantilisation…
En outre, les directions savent très bien amadouer les professionnels de la santé au travail, faire appel à leurs supposées qualités individuelles, jouer de psychologie persuasive, pour les faire rentrer dans un mode projet ou autre démarche qualité. Ces démarches, très chronophages en termes de réunions de formation en interne ou de commissions diverses, sont utilisées par les directions pour dominer les salariés en leur faisant croire qu’ils sont importants pour l’entreprise. In fine, un travail supplémentaire leur est souvent prescrit et certains seront nommés référent pour toute l’entreprise de tel ou tel champ : risque chimique, risque suicidaire, TMS, vaccination, sport et travail, etc. histoire de faire de l’affichage, d’alimenter la lettre intranet ou la presse régionale. En cas de refus du salarié de rentrer dans les clous, celui-ci sera au minimum très mal vu par la hiérarchie ou ses collègues fondus dans le moule, mis à l’écart des équipes et au maximum sanctionné. En attendant, le travail de base des visites individuelles et des actions en milieu de travail, lui, est sacrifié au profit de l’entreprise de prévention et de santé au travail.
Ainsi, dans un service inter-entreprises, un collègue collaborateur médecin (en formation) est devenu référent risque suicidaire pour tout le service après avoir passé quelques jours de formation sur ce thème, contre son gré, sans qu’il soit prévenu à l’avance de ce nouveau grade. Ce qui lui rajouta du boulot en plus.
Si les salariés sont très bien vus par leur direction, les plus innocents d’entre eux seront interviewés sur la feuille de chou intranet de l’entreprise où ils exposeront leur vie privée et intime, leurs goûts divers et variés, leur dernier voyage ou loisir, leur film préféré, d’autres choses tout aussi futiles, etc. sans oublier la fameuse photographie de quand ils étaient bébés, afin que les lecteurs puissent deviner de quels salariés il s’agit.
… pour mieux les dominer…
Pour pallier à la baisse démographique des médecins du travail, les directions des SPST embauchent de nombreuses infirmières en santé au travail (IDEST) avec plusieurs avantages : une infirmière est moins bien payée qu’un médecin, moins bien formée, donc plus sage et plus obéissante, surtout celles qui viennent de l’hôpital, habituées à marcher droit.
Historiquement, la profession d’infirmière a toujours souffert du manque de reconnaissance contrairement aux médecins. Les infirmières, car cette profession est largement féminisée, ont toujours été sous-payées et soumises aux desiderata du pouvoir administratif hospitalier ou à celui des médecins, aujourd’hui au pouvoir des gestionnaires.
C’est donc une aubaine pour les SPST que d’embaucher massivement une profession peu revendicative, mal payée et qui servira de petites mains pour faire le taff, de gratte papiers pour écrire les fiches d’entreprises (FE) en lien avec les assistantes santé et sécurité au travail (ASST), autre profession malmenée et pour orienter la politique de santé et de sécurité des entreprises vers la recherche des déterminants individuels de santé, comme le stipule de plus en plus la loi : comment éduquer les salariés, manger équilibrer, bien suivre ses vaccinations contre les papillomavirus, ne pas fumer de tabac ou de cannabis, ne pas boire d’alcool, comment faire du sport au travail, faire ses étirements, etc. Vision bien réductrice et pauvre, voire hors-sujet, de la santé au travail. Ainsi, exit la recherche des déterminants collectifs de santé au travail et la réflexion sur les organisations de travail et sur ses moyens humains et matériels, d’autant que les AMT se réduisent comme peau de chagrin… Ainsi, cette politique éloignera encore plus les professionnels de santé du réel du travail dans les entreprises.
On ne compte plus dans les SPST les professionnels volants (médecins, IDEST ou secrétaires) qui ne travaillent jamais au même endroit en fonction de tel ou tel besoin des services répartis sur le territoire départemental. Les directions font appel à la générosité de médecins du travail chevronnés, appelés en renfort pour pallier les absences de tel ou tel de leur confrère pour raison d’arrêt de travail ou de congés formation, mais qui verront des travailleurs d’entreprises qu’ils ne connaissent pas. Ou comment accroître l’instabilité au travail de ces bouches-trous.
… sans tenir compte de leur qualification, expérience et professionnalité
Les SPST ou les sociétés savantes ne parleront jamais de division du travail ou de mise en concurrence de professionnels les uns contre les autres, mais de « nouvelles coopérations médecins/IDEST, qui ne doivent toutefois pas être affectées à une augmentation du nombre de consultations à réaliser, mais à la préservation des actions sur le terrain (dans les entreprises) dans le cadre du tiers temps »15).
Toute coopération entre professionnels de santé ne peut être que bénéfique pour les travailleurs. Tout dépend de l’état d’esprit qui prévaut. Mais sur le terrain, les services de ressources humaines n’échappent pas au management néolibéral qui domine ailleurs dans toutes les entreprises depuis au moins 30 ans, et qui cause tant de souffrances au travail. Les DRH savent diviser les professionnels de santé entre eux pour mieux les isoler et ainsi éviter leurs revendications.
Dit autrement « les démiurges managériaux excellent à mettre les collectifs de travail en porte-à-faux et à créer des conflits interpersonnels afin de les exploiter »16. Se développent alors une individualisation du rapport au travail où chacun bosse dans son coin et défend son pré-carré, ses connaissances, donc son pouvoir, sans construire de collectif, aboutissant à une véritable guerre intestine où la concurrence entre professionnels de santé prévaut.
L’intérêt des employeurs n’est pas de promouvoir le travail de chacun, basé sur sa qualification, son expérience et sa professionnalité, mais de formater le comportement de tous, individus sommés d’adhérer au mode projet de l’entreprise libérale, sous peine de délation, de mise en accusation et de poussée vers la démission17. On l’aura compris, les DRH n’aiment pas les esprits critiques, moutons noirs de l’entreprise libérale, même « libérée ».
La délégation de tâches : coopération ou concurrence ?
La loi du 02 août 2021 prévoit la délégation de tâches du médecin vers l’infirmière. Ainsi une infirmière pourra… quasiment tout faire ! Visite de pré-reprise (pendant que le travailleur est en arrêt de travail), visite de reprise, visite à la demande, visite de mi-carrière sauf les « examens médicaux d’aptitude ou la visite post-exposition non ouverts à la délégation »18.
Certains SPST déploient de nouvelles coopérations pour effectuer des entretiens santé/travail avec l’IDEST, en vue d’un avis d’aptitude décidé en aval par le médecin du travail, des pré-visites SIR confiées aux IDEST. Celles-ci sont appelées à effectuer des entretiens avec le salarié, avec son consentement, à la tenue du dossier médical santé travail (DMST), avec interrogation sur les conditions de réalisation du travail, en utilisant tous les outils disponibles, l’interrogatoire, la connaissance directe des conditions de travail, la FE, le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), les matrices emplois-exposition le cas échéant, bref tout le boulot d’un… médecin du travail.
Possibilité même est offerte de télé-expertise même en l’absence du patient et de télé-consultation. Exit donc l’examen physique.
La SFST écrit qu’« il ne s’agit donc pas d’une délégation confiée à l’IDEST, mais d’une coopération dans laquelle le médecin confie des tâches à l’IDEST dans le cadre d’un entretien : l’IDEST pose les questions pour le médecin, effectue un recueil des constantes (poids, taille, pression artérielle, performance [nous soulignons] visuelle, auditive…) »19.
La coopération est une participation à une œuvre commune, une politique d’entente et d’échanges, selon le dictionnaire. En quoi une simple délégation de tâches, un euphémisme ici, est-elle une coopération?
La loi du 2 août 2021 incite-t-elle à de nouvelles coopérations ou incite-t-elle à de nouvelles concurrences entre professionnels de santé ? Nous y voyons pour notre part, dans le contexte politique actuel, le risque d’une animosité entre travailleurs, voire d’une exploitation des uns par les autres.
D’ailleurs le Code du travail, qui n’en est plus à des absurdités près, indique que le médecin du travail est le manager de l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail (encore un terme de la novlangue), à rebours de toute notion horizontale de coopération… Mais le Code du travail n’indique pas comment on forme des médecins à manager, autrement dit en français, à encadrer un collectif de travail.
Vers une pauvre médecine du travail « low coast »
Ainsi, le médecin, sauf s’il le demande, aura tendance à ne plus s’entretenir avec les salariés et ne plus les examiner pour les avis d’aptitude. L’IDEST aura fait tout le boulot en amont et aura assuré, si elle est formée, le suivi de salariés exposés à certains agents cancérogènes.
Selon la SFST « aucune visite ou examen médical n’impose strictement de colloque singulier présentiel avec le médecin du travail sur le plan déontologique, les seuls critères requis étant la qualité de la prise en charge et l’indépendance professionnelle qui permet à chaque médecin de juger de la façon dont il peut construire son avis d’aptitude. Cela a notamment rendu possibles certains avis d'(in)aptitude médicale posée via la télémédecine »20, donc sans examen clinique complet. Exit la clinique médicale du travail ? Mais la SFST sauve l’honneur de la profession en soulignant en fin de chapitre : « le médecin du travail reste juge de la nécessité éventuelle [nous soulignons] de voir en consultation la personne ».
On s’oriente donc vers une médecine du travail appauvrie et à bas coût ou low coast, qui soit dit en passant arrange bien les intérêts du patronat qui a horreur que « les médecins du travail s’acharnent sur leurs entreprises ». Ce type de propos m’a été rapporté par une de mes collègues, de la part d’un patron d’une entreprise de restauration rapide, histoire de bien me mettre la pression. À noter que ma collègue a validé les propos de ce patron… Bonjour l’ambiance de travail… (depuis, et en raison de la menace d’une plainte d’un DRH d’une grande société d’assurance française contre un aménagement de poste que j’avais écrit pour une salariée, malade chronique, j’ai démissionné de ce service inter-entreprises privé. C’était
en juin 2023).
La pénurie organisée des professionnels de santé au travail par les politiques publiques ouvre donc la voie à la consultation sans le travailleur. On l’avait éloigné du suivi individuel, il disparaît ici du cabinet de consultation. Au mieux, les deux protagonistes se verront en visio, mais le médecin du travail, s’il ne le revendique pas, pourra ne plus voir et examiner son corps. Les professionnels de santé s’habitueront à travailler sur écran, s’éloignant un peu plus du réel des corps. Et ces corps et ces esprits seront de plus en plus usés par le travail puisque, rappelons-le, la loi de recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans a été promulguée en 2023 par le président Macron et par la Première ministre à coup de 49-3.
Mais qu’on se rassure, le FIPU est créé, ce fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle, géré par la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP) de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), pour honorer les entreprises vertueuses qui s’occuperont de prévenir l’usure professionnelle. Un enfumage politique de plus ? Rajoutons : et la quadrature du cercle !
Une mission simple, mais décisive du médecin du travail
Les résistants au nazisme et au fascisme promulguèrent la loi du 11 octobre 1946 portant sur la médecine du travail : le rôle du médecin du travail est d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait du travail. On ne peut pas écrire plus simple et plus clair comme principe. Ce qu’on appelle aujourd’hui la prévention primaire est née en fait, à cette époque.
Au XXIe siècle, sommes-nous les dignes héritiers de nos grands-parents ? Le doute m’assaille. Les politiques omettent de rappeler ce principe législatif pourtant si simple de 46 et manquent à leur devoir de poser des actes en termes d’augmentation de moyens humains et matériels pour les services qui devraient être renommés de médecine du travail. L’enjeu est d’ordre civilisationnel pour une véritable société qui respecte le travail, les travailleurs, leur mémoire et leur dignité. Veut-on une société française à la pakistanaise où des milices armées employées par des patrons des entreprises du textile prospèrent et assassinent les ouvriers syndicalistes de ces entreprises ? Ce textile produit dans ces ignobles conditions est mondialement exporté vers les grandes marques occidentales implantées dans nos galeries marchandes de nos grandes surfaces… sans que cela n’émeuve grand monde21(11)
.
Dernier avertissement : mon serment d’Hippocrate
Je suis et veux toujours être médecin de la réalité sinon je dégoupille ma grenade de mots.
Je suis en pratique médecin du travail dans l’unique intérêt de la santé et de la sécurité des travailleurs et de mon art médical qui consiste, outre le conseil aux travailleurs, à documenter la violence au travail… rien d’autre qui ne me détourne de ce chemin sur lequel des artistes nantais ont marché, comme Jacques Vaché22, qui désacralisa les généraux assassins de 14-18 et qui, avec André Breton et les surréalistes, écrivirent l’umour sans hache pour le faire ressembler au mot amour, ou plus tard Jacques Demy, cinéaste, qui, après avoir vu les corps déchiquetés des nantais et l’effondrement du centre-ville de Nantes, à cause des bombardements de septembre 1943, alors qu’il n’avait que douze ans, décida qu’il haïrait définitivement la violence23.
- Christophe Dejours, Travail vivant, 2 volumes, Sexualité et travail, Travail et émancipation, Ed. Payot, 2013. ↩︎
- Source : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884445 ↩︎
- Laure Léonie, «Histoire de la prévention des risques professionnels », revue Regards, n° 51, 2017. ↩︎
- Catherine Omnès, « Quand les allumettières mettent le feu aux poudres », Revue Santé Travail, 2011. ↩︎
- Judith Rainhorn, Blanc de plomb, Histoire d’un poison légal, Les presses de Science Po, 2019. ↩︎
- Annie Thébaud-Mony, Amiante : défendre l’indéfendable, La science asservie, santé publique : les collusions mortifères entre industriels et chercheurs, Ed. La Découverte, 2014. ↩︎
- Etienne Auribault, Bulletin de l’inspection du travail, « Note sur l’hygiène et la sécurité des ouvriers dans les filatures et tissages d’amiante », 1906. ↩︎
- Comme le Centre d’Histoire du Travail de Nantes : https://www.cht-nantes.org/ ↩︎
- Karl Marx, Manuscrits de 1844, Flammarion, 2021 (première publication, Leipzig, 1932). ↩︎
- Martin Winckler, En soignant, en écrivant, J’ai Lu, 2001. ↩︎
- Barbara Stiegler, Il faut s’adapter, sur un nouvel impératif politique, Gallimard, 2019. ↩︎
- Ivar Oddone, Alessandra Re, Gianni Briante, Redécouvrir l’expérience du travail, éditions sociales, 2015. ↩︎
- Note de la Société française de santé au travail (SFST) intitulée « Coopérations et délégations en santé au travail : quid d’un avis d’aptitude signé par le médecin du travail suite à une pré-visite infirmiers en santé au travail (IDEST) ? », 2023. ↩︎
- Article R4421-3 du Code du travail : les agents biologiques sont classés en quatre groupes en fonction de l’importance du risque d’infection qu’ils présentent : Le groupe 3 : agents biologiques pouvant provoquer une maladie grave chez l’homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs. Leur propagation dans la collectivité est possible, mais il existe généralement une prophylaxie et un traitement efficaces ;
Le groupe 4 : agents biologiques pouvant provoquer des maladies graves chez l’homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs. Le risque de leur propagation dans la collectivité est élevé. Il n’existe généralement ni prophylaxie ni traitement efficace. ↩︎ - Note de la Société française de santé au travail (SFST) intitulée « Coopérations et délégations en santé au travail : quid d’un avis d’aptitude signé par le médecin du travail suite à une pré-visite infirmiers en santé au travail (IDEST) ? » 2023. ↩︎
- Alain Carré, « Médecine du travail, des praticiens en souffrance : analyse de ses causes et de ses formes cliniques », Les cahiers SMT n° 39, Association santé et médecine du travail, déc. 2022. ↩︎
- Danielle Linhardt, La comédie humaine du travail : de la déshumanisation taylorienne à la sur-humanisation managériale, Erès, déc. 2015. ↩︎
- Voir : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884445. ↩︎
- Note de la Société française de santé au travail (SFST) intitulée « Coopérations et délégations en santé au travail : quid d’un avis d’aptitude signé par le médecin du travail suite à une pré-visite infirmiers en santé au travail (IDEST) ? », 2023. ↩︎
- Note de la Société française de santé au travail (SFST) intitulée « Coopérations et délégations en santé au travail : quid d’un avis d’aptitude signé par le médecin du travail suite à une pré-visite infirmiers en santé au travail (IDEST) ? », 2023. ↩︎
- Laurent Gayer et Fawad Hasan, Au Pakistan, un capitalisme à main armée, des industriels hors d’atteinte, Le Monde diplomatique, décembre 2022. ↩︎
- Né en 1895 d’un père d’ascendance anglaise et capitaine d’artillerie, Jacques Vaché passe une partie de son enfance en Indochine. En 1910, il est envoyé chez sa tante Louise Guibal à Nantes au moment où son père est affecté au Sénégal. Il intègre le Grand Lycée, aujourd’hui appelé lycée Clemenceau, où il fonde le « groupe des Sârs » (dit « groupe de Nantes ») qui publie des revues littéraires. Son ton provocateur, pacifiste, voire antimilitariste marquera André Breton qui écrit quelques années plus tard : « Jacques Vaché est surréaliste en moi ». Mobilisé en août 1914, il est blessé aux jambes en Champagne suite à l’explosion d’un sac de grenades. En convalescence, il est rapatrié à l’hôpital Saint Jacques à Nantes, après une intervention chirurgicale à Nevers. En janvier 1916, il fait la connaissance d’André Breton et de Théodore Fraenkel, affectés comme internes en médecine dans l’établissement. Jacques Vaché fait la rencontre d’une jeune infirmière, Jeanne Derrien, avec laquelle il entretient une importante correspondance où il lui raconte son quotidien de militaire. Il y mêle des descriptions et des dessins. Originaire de Nantes, elle fait partie de l’Union des Femmes de France, une branche de la Croix-Rouge. La même année, Jacques Vaché est affecté dès le mois de mars au service auxiliaire à cause de sa myopie, puis est renvoyé au front comme interprète auprès des troupes britanniques. En janvier 1917, au cours d’une permission, il assiste à la première représentation de la pièce de Guillaume Apollinaire, Les Mamelles de Tirésias, sous-titré « drame surréaliste ». Il y apparaît déguisé en officier anglais et armé d’un revolver, avec la volonté de faire cesser la représentation qu’il juge trop artistique. Il écrit plus tard à André Breton, le 18 août 1917 : « L’art est une sottise – Presque rien n’est une sottise – l’art doit être une chose drôle et un peu assommante – c’est tout ». En janvier 1919, Jacques Vaché est affecté à Nantes près des troupes américaines basées à Saint-Nazaire. Lors d’une soirée à l’hôtel de France de la place Graslin de Nantes, il décède suite à une overdose d’opium. Ses lettres de guerre échangées avec plusieurs personnes comme Théodore Fraenkel et Louis Aragon sont publiées par André Breton en 1920 ; Chloé Voirin, Bibliothèque municipale, 2019. ↩︎
- Le 16 septembre 1943 à 13 h 35 : 160 forteresses volantes américaines, visant le port et la gare, bombardent à très haute altitude la partie est de la ville et Chantenay. Le 23 septembre, deux nouvelles attaques, à 8 h 55 et 18 h 45, détruisent une partie du centre-ville et du port. Le bilan des deux journées est terrible : 1 463 morts, 2 500 blessés, 10 000 familles sans logis et 513 hectares de la ville ravagés. Jusqu’au 2 août 1944, la ville subit encore seize attaques aériennes responsables de 206 décès supplémentaires. Nantes est à reconstruire, 2000 immeubles sont détruits et 6 000 inhabitables. Source : Didier Guyvarc’h, extrait du Dictionnaire de Nantes, Voir aussi le film d’Agnès Varda, Jacquot de Nantes, 1990, DVD Ed. ARTE, 2018. ↩︎